Je ne sais pas si ça vous est arrivé, mais à moi oui.

J’ai eu la malchance d’avoir dans mon entourage un copain, adepte exclusif de la musique baroque et du clavecin, qui vous dit un beau soir, un peu éméché: «J’y connais rien au jazz, alors initie-moi! Faut que j’écoute qui? Et puis, en fait, c’est quoi le jazz?»

Vous pensez subitement que ce type de challenge équivaut à gravir l’Anapurna en talons aiguilles *. Mais vous vous lancez quand même. Vous lui donnez une liste de musiciens dits incontournables : King Oliver, Louis Armstrong, Sidney Bechet, Duke Ellington, Lester Young, Charlie Parker, Thelonious Monk, John Coltrane, Miles Davis, et bien sûr tant d’autres.

Quant à la définition du jazz, il y en a plein mais nous sommes à peu près tous d’accord sur ses origines, ses courants musicaux, ses produits dérivés (même si on ne les aime pas forcément), et le fait que le jazz continue à exister et à évoluer (même si on n’aime pas forcément tout ce qui sort).

Et je tombe sur une intervention du journaliste Alex Dutilh, à l’antenne de France Musique durant 42 ans, que j’ai eu la chance de rencontrer au Club One More Time et au Festival JazzContreBand il y a quelques jours. Voici ce qu’il déclare :

«Le jazz est un vampire métis qui, depuis sa naissance, suce le sang des autres musiques pour se régénérer. La plupart du temps par amour. Il sort plutôt la nuit et son sens aigu de l'improvisation lui permet de déjouer les tentatives d'enfermement ou les risques de sclérose dont il est régulièrement menacé. Lorsqu'il est en forme (en solo, en petit comité ou en bande organisée), on reconnaît sa silhouette à un balancement chaloupé que les golfeurs appellent swing et les geeks, groove. Tous les dix ans on annonce sa mort et tous les dix ans il s'invente une nouvelle jeunesse. Le jazz a les rides de ses héros disparus et affiche le sourire juvénile de ceux qui regardent le futur droit dans les yeux.»

J’aime bien! C’est tout ce qu’on essaie de défendre bec et ongles à l’AGMJ, à travers votre revue et votre Club One More Time.

Le Comité de rédaction vous souhaite d’ores et déjà de bonnes fêtes de fin d’année (le prochain numéro est prévu pour février 2026) et une agréable lecture.

Gabriel Décoppet, rédacteur-coordinateur

* expression empruntée au grand écrivain Frédéric Dard, l’auteur de San Antonio